Un blog-notes qui se trouve désormais à l'adresse suivante : davidalcaud.net

POURQUOI CE BLOG ?


Pour favoriser la convergence des innovations culturelles, sociales et politiques dans le projet métropolitain en construction.

Je blogue pour mettre en discussion les questions inédites posées par la métropolisation du monde à nos sociétés métropolitaines émergentes. Et ainsi pour pouvoir repartir du local pour fabriquer une Métropole apaisée, pensée et construite collectivement de manière à mieux réguler les flux et le « Global »!

Je souhaite que ce blog puisse rassembler et promouvoir des idées nouvelles et des convergences utiles à la fabrication d’une « métropole durable » aux échelles, plurielles, du « grand Paris ».

La pensée et les idées construites collectivement peuvent réinspirer l’action pour maîtriser les phénomènes de métropolisation qui ont rendu caducs les paradigmes dominants de l’analyse urbaine et les modes ordinaires de régulation politique. La métropolisation des territoires pose en effet des défis aux sociétés humaines et aux acteurs des territoires, qu’ils soient privés ou publics, responsables techniques (aménageurs, urbanistes, etc.) ou politiques ; défis dont on commence à mesurer l’ampleur, en termes notamment d’écologie sociale et politique, mais aussi en termes de management des Organisations et de préparation aux nouveaux modes d’intervention nécessaires, aux métiers qui apparaissent, ainsi qu’aux enjeux renouvelés des compétences requises.

En ce sens, le blog-notes est destiné aux métropolitains que nous sommes, parfois sans le savoir … Il s’agit d’interpeller pour s’étonner de la manière dont, souvent, les questions sont construites et posées, mais aussi des façons dont elles sont saisies et mises en catégories d’intervention.

Comprendre et préparer les réponses appropriées à notre temps et au « monde d’après », pour reprendre ici les mots du Grenelle de l’environnement, requiert le partage d’une nouvelle culture sociale et urbaine, mais aussi l’élaboration d’une nouvelle démarche professionnelle, qui passe par un renouvellement dans la conduite de l’action publique.
Cela exige également l’invention de projets construits autour de partenariats solides et loyaux, et capables de proposer des réponses transectorielles traitant simultanément les différentes échelles territoriales concernées. Cela suppose notamment d’adapter nos représentations héritées et nos catégories d’intervention actuelles et de savoir conduire le changement sur tous ces points.

Contribuer à alimenter, avec qui le voudra, un Laboratoire d’idées pour les innovations métropolitaines nécessaires, tel est l’objectif que je souhaite partager et auquel je vous invite, métropolitain(e)s de fait, sinon de cœur et de raison : dans cet esprit, n’hésitez pas à contribuer à ce blog-notes qui se veut le plus convivial et accueillant possible ; Le choix de la photo n’est à cet égard pas le fruit du hasard : travailler au devenir des territoires métropolitains peut – doit- préparer de grands crus pour l’avenir!

29 septembre 2009

Coproduire la métropole : un chantier à ouvrir

Il s’agit d’approfondir les nouvelles formes de coopération et de coproduction de la métropole, de prise en compte des aspirations et des limites des modes traditionnels de socialisation politique et de participation. Il s’agit aussi de prendre au sérieux les réponses apportées à la question posée par Foucault de la « gouvernabilité », non seulement d’un point de vue théorique mais aussi en capitalisant les réponses apportées par les travaux de recherche et les évaluations des formes politiques existantes.


Plus encore que l’espace de la ville, l’espace métropolitain est un défi à la citoyenneté, rendant plus que jamais nécessaire de reconnaître les « formes intermittentes de la démocratie » (Carrel et al., 2009), qui posent la question de la citoyenneté moins comme un statut que « comme une fabrique sociale et politique des individus et des collectifs ». (Carrel, p 9). La politique est de fait souvent aux marges, voire éloignée des pouvoirs publics (Neveu, 2004,2005). La relation des citoyens avec le politique s’est incontestablement fortement transformée. Quatre raisons principales peuvent être avancées, comme l’ont bien montré les travaux de Jacques Ion :
1) les individus sont davantage désaffiliés, au double sens du terme : ils agissent moins en termes de « fils/fille de ») et ne se reconnaissent pas forcément dans les clivages qui ont longtemps structuré l’espace militant, conformément au processus d’individuation bien connu ;
2) la socialisation politique, favorisée par exemple par les activités associatives et militantes inscrivant l’individu à la fois dans une pratique collective et dans une appropriation de la démocratie représentative, ici mimétisée, a disparu ;
3) la politisation actuelle se situe « aux frontières du politique » : sans nécessairement passer par des structures associatives classiques, il existe d’autres modes plus discrets de participation et d’implication dans la politique, notamment dans les territoires. De nouvelles formes de « collectif » émergent jouent des rôles de médiation très efficaces notamment là où « l’ordre social est dégradé » (Borzeix et al.). Pierre Bouvier (Bouvier, 2005) y voit des formes de lien social « alternatives, fragiles mais volontaires », qui sont peut-être davantage des formes de contre-pouvoir que de contestation, mais aussi des palliatifs à l’absence de réponse adaptée des pouvoirs publics sur les questions délicates de troubles de voisinage, de squats, de délinquance, de défaut d’entretien du bâti, « vigilance » des habitants, etc. On mesure combien on touche ici à des formes collectives qui suscitent une méfiance instinctive dans la culture politique française. La question posée est de fait de savoir si cela nourrit du sens commun, des aspirations voire des propositions plus collectives, susceptibles de déboucher sur une forme d’expression citoyenne, considérée donc ici comme suffisamment stables et devant être fabriquées ;
4) Le quatrième point et non le moindre est lié aux enjeux de la citoyenneté culturelle (Ion, 1997), par opposition à la tradition politique française d’une citoyenneté présentée comme ontologiquement acculturée. Force est de constater que la citoyenneté est « informée », c’est-à-dire structurée par la culture, qui influencent des revendications, des perceptions, des usages.
Tout ceci contribue à réinterroger les catégories habituelles proposées par les dispositifs existants qui catégorisent en « habitants », « usagers », « riverains », « jeunes », qui révèlent peut-être davantage les attentes institutionnelles qu’elles ne servent l’appropriation des individus concernés. Loïc Blondiaux a bien montré l’ambiguïté de la plupart des dispositifs participatifs, dont la finalité semble autant être l’expression que la canalisation de la parole citoyenne et du conflit. Les travaux d’Amar Lakel (2004) et de David Alcaud (2003, 2004) ont souligné combien les dispositifs électroniques étaient également très limités, et la pensée politique très réticente en la matière (Cf. aussi Wojcik, 2006). En fait, on a assisté à une nouvelle ingénierie de la participation assumée par des professionnels qui s’affirment seuls en capacité d’alimenter les « procédures » requises comme il se doit (Cf. Nonjon, 2006), tandis que les craintes d’une forte instrumentalisation existent (Dagnino, 2007). Il n’en reste pas moins que les travaux montrent comment les acteurs publics ne maîtrisent pas totalement le processus et que les dispositifs sont contestés par les participants qui s’affirment en capacité de jouer un rôle de garde-fou. Les groupes les plus absents sont les jeunes, les catégories populaires, les personnes d’origine étrangère, celles qui s’estiment les moins compétentes (Alcaud, 2008). La conclusion de Loïc Blondiaux est claire : « les dispositifs participatifs et délibératifs contemporains constituent autant des lieux de polarisation et de conflit que d’apaisement et de consensus. S’y exprime toujours, comme dans les théories de la délibération, une tension entre des forces politiques adverses », (Blondiaux, 2009)
Tout ceci participe de ce que Pierre Rosanvallon appelle, dans la continuité de ses thèses sur la « contre-démocratie » (2006) un « vaste mouvement de « décentrement des démocraties » (2008), qui rend la démocratie représentative plus compliquée. L’enjeu n’est plus l’identification entre gouvernés et gouvernants. Les citoyens étaient devenus des gouvernés, et il fallait donner une meilleure forme démocratique à une distance reconnue dans sa nécessité fonctionnelle, mais il reste à construire, soutient-il, une « démocratie d’identification » de manière à ce que ces derniers soient en mesure de corriger, de compenser d’organiser la séparation entre gouvernants et gouvernés, autrement que par la transmission d’un mandat « en donnant la définition la plus développée de la démocratie, celle qui inclut toutes ses dimensions et toutes ses formes. Rapportée à une telle définition élargie, la démocratie dessine l’horizon d’une organisation de la vie sociale en chantier» (Rosanvallon, 2008, p. 359).

Ces éléments alimentent un débat sur la gouvernance démocratique de la métropole à plusieurs niveaux. Ils sont tout d’abord un défi à « l’ordre local métropolitain ». L’ordre n’intervient plus comme un cadre extérieur mais comme un processus interne. La nature de la mise en ordre dépend des accords entre des acteurs en négociation ; plus d’un pouvoir puissant extérieur imposant un ordre surplombant les activités urbaines. En somme, ce qui était déjà de moins en moins vrai pour la ville ne l’est plus du tout dans la métropole. L’individu a besoin d’ordre et le construit de manière différenciée en fonction de ses ressources. Comme le dit Alain Bourdin (2005) : « Avec la métropole, l’on passe de l’offre sur fond d’ordre à l’ordre sur fond d’offre ».
D’autre part, par delà la diversité des approches et des diagnostics, la métropole apparaît poser de manière plus singulière encore la question de la responsabilité de la société politique dans l’organisation de la société des individus et le soutien de la civilisation urbaine. Les analyses de Jacques Donzelot s’inscrivent dans cette logique en prônant une action contre la « logique de séparation » et de l’entre-soi à laquelle a abouti l’évolution qu’il perçoit des territoires urbains. « Faire société » ne s’impose plus comme un fait social et les événements ou les représentations des territoires urbains en sont un parfait exemple. La centralité de la ville se défait à travers un processus de péri-urbanisation qui laisse le centre aux bureaux des grandes entreprises et contourne les cités d’habitat social, qui se retrouvent enclavées ou excentrées par rapport aux axes de son développement. La politique de la ville n’est pas parvenue à corriger la fuite de la majorité aisée (alors qu’autrefois la minorité envahissait le centre), confortant la disparition des interdépendances qui ont constitué et caractérisé le développement de la ville.
Il ressort de ses analyses l’importance de travailler avec les gens plus qu’avec les lieux, de manière à faciliter le franchissement des barrières sociales et raciales plutôt que l’homogénéisation des territoires urbains.

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