Un blog-notes qui se trouve désormais à l'adresse suivante : davidalcaud.net
POURQUOI CE BLOG ?
Pour favoriser la convergence des innovations culturelles, sociales et politiques dans le projet métropolitain en construction.
Je blogue pour mettre en discussion les questions inédites posées par la métropolisation du monde à nos sociétés métropolitaines émergentes. Et ainsi pour pouvoir repartir du local pour fabriquer une Métropole apaisée, pensée et construite collectivement de manière à mieux réguler les flux et le « Global »!
Je souhaite que ce blog puisse rassembler et promouvoir des idées nouvelles et des convergences utiles à la fabrication d’une « métropole durable » aux échelles, plurielles, du « grand Paris ».
La pensée et les idées construites collectivement peuvent réinspirer l’action pour maîtriser les phénomènes de métropolisation qui ont rendu caducs les paradigmes dominants de l’analyse urbaine et les modes ordinaires de régulation politique. La métropolisation des territoires pose en effet des défis aux sociétés humaines et aux acteurs des territoires, qu’ils soient privés ou publics, responsables techniques (aménageurs, urbanistes, etc.) ou politiques ; défis dont on commence à mesurer l’ampleur, en termes notamment d’écologie sociale et politique, mais aussi en termes de management des Organisations et de préparation aux nouveaux modes d’intervention nécessaires, aux métiers qui apparaissent, ainsi qu’aux enjeux renouvelés des compétences requises.
En ce sens, le blog-notes est destiné aux métropolitains que nous sommes, parfois sans le savoir … Il s’agit d’interpeller pour s’étonner de la manière dont, souvent, les questions sont construites et posées, mais aussi des façons dont elles sont saisies et mises en catégories d’intervention.
Comprendre et préparer les réponses appropriées à notre temps et au « monde d’après », pour reprendre ici les mots du Grenelle de l’environnement, requiert le partage d’une nouvelle culture sociale et urbaine, mais aussi l’élaboration d’une nouvelle démarche professionnelle, qui passe par un renouvellement dans la conduite de l’action publique.
Cela exige également l’invention de projets construits autour de partenariats solides et loyaux, et capables de proposer des réponses transectorielles traitant simultanément les différentes échelles territoriales concernées. Cela suppose notamment d’adapter nos représentations héritées et nos catégories d’intervention actuelles et de savoir conduire le changement sur tous ces points.
24 septembre 2009
Fitoussi commente le rappport Stiglitz + débat avec internautes du Monde
LEMONDE.FR | 16.09.09 | 18h40
« Placer l'individu au centre de l'économie »
Joseph Stiglitz, président de la commission chargée de proposer des indicateurs alternatifs au PIB, a remis son rapport à Nicolas Sarkozy. Ses douze recommandations ont été présentées lors d'une conférence internationale à la Sorbonne, au cours de laquelle le président s'est engagé à mettre en œuvre ces nouveaux indicateurs portant sur le développement durable, le bien-être des ménages et l'environnement.
Commandé par Nicolas Sarkozy début 2008, le rapport sur la mesure de la richesse avait pour but de proposer des alternatives au PIB, outil de mesure dominant mais reflétant très mal l’ensemble des richesses et leur répartition. A quelques jours du sommet du G20, -qui se tient les 24 et 25 septembre à Pittsburgh (Etats-Unis)-, le président entend apporter sa contribution au débat : « La crise économique et financière ainsi que l'urgence écologique accroissent encore la pertinence de ces propositions dans le cadre des grands rendez-vous internationaux à venir », a indique l’Elysée vendredi 12 septembre. De fait, les recommandations de la commission Stiglitz (à laquelle ont participé Amartya Sen, autre prix Nobel d'économie, et Jean-Paul Fitoussi, président de l'OFCE) préconisent de remettre à plat « l’idéologie » du PIB pour prendre en compte le bien-être des ménages, le développement durable et l'écologie.
Après un pré-rapport fortement contesté, car trop peu axé sur le développement durable selon bon nombre d’acteurs, la commission avait du en effet revoir sa copie en juillet dernier. Prenant acte des contributions ainsi que des nombreuses critiques, notamment celles des associations environnementales et des syndicats (voir article lié) la Commission Stiglitz a fait évoluer ses réflexions pour mieux prendre en compte les aspects sociaux et environnementaux dans la richesse nationale.
Le rapport final, d’environ 300 pages, recommande aujourd’hui de « placer l’individu au centre des réflexions et décisions politiques ». S’il ne remet pas totalement en cause le PIB comme outil de mesure, il met en garde contre sa « fausse utilisation». Les décideurs doivent connaître la situation réelle des ménages (richesse mais aussi bien-être, qualité de vie, santé…) pour prendre des décisions, explique en préambule le rapport. «Les embouteillages peuvent accroître le PIB puisqu'ils entraînent une augmentation de la consommation d'essence, mais pas le bien-être», explique, pragmatique, la commission. La 1ère des 12 recommandations explique ainsi que «pour évaluer le bien-être matériel, il faut analyser les revenus et la consommation plutôt que la production». Objectif : mesurer les écarts de revenus et les disparités individuelles, ce que ne permet pas le PIB. Pour cela, la seconde recommandation préconise de «renforcer l'analyse du point de vue des ménages», donc de mesurer comment l’inflation et le pouvoir d'achat impactent les individus et notamment les plus défavorisés. Autre grande nouveauté, cette analyse doit englober leur patrimoine, un élément clé pour évaluer leur niveau de vie.
« Mesurer les activités non marchandes »
Le rapport prend ensuite un virage plus radical, en évoquant la mesure «des activités non marchandes». Autrement dit, l’environnement dans lequel vivent les ménages doit être mesuré lui aussi : la qualité de vie, l'insécurité, mais aussi le taux de mortalité et de morbidité, mesurant les conditions de santé. Le niveau d'éducation et de démocratie sont également des indicateurs à prendre compte pour mesurer le bien-être, tout comme les activités personnelles et le travail, la gouvernance, les connections sociales et les relations entre personnes.
Très attendue, la mesure du développement durable fait l’objet du dernier chapitre, avec une constante : simplifier la « comptabilité écologique ». Alors que l’Union européenne vient d’annoncer la création d’un indice de pression environnementale pour 2010 (voir article lié), auquel s’ajouteront une batterie d’indicateurs de mesure du développement durable, la commission Stiglitz propose d’évaluer la « soutenabilité du bien-être ». Elle propose des indicateurs monétaires du développement durable, capables «de calculer la variation des stocks » : stocks de ressources naturelles mais aussi stock humain et physique d’un pays. La croissance sera donc mesurée sur sa durabilité : soit elle permet une augmentation du stock humain et physique d'un pays, soit c’est une croissance non durable, qui se traduira par une baisse de ces stocks…Enfin, le rapport s’achève sur une recommandation qui, dans les faits, existe déjà, puisqu’il s’agit d’une batterie d’indicateurs liés à l’environnement.
Quelle suite pour ce rapport ?
Lors de son discours, Nicolas Sarkozy a déclaré que «la France se battra pour que toutes les organisations internationales modifient leur système statistique en suivant les recommandations» de la commission Stiglitz. «Une réflexion collective est désormais engagée, elle ne s'arrêtera pas, il y aura un avant et un après cette commission», a-t-il ajouté. Reste que l'adoption de tels indicateurs par les institutions internationales économiques (FMI, OCDE...) doit être actée et qu'elle risque de prendre un certain temps.
CHAT /
Lala : Comment se fait-il que nous ne disposions pas aujourd'hui d'indices pour mesurer correctement le progrès économique et social ?
Jean-Paul Fitoussi : Nous disposons de nombreux indicateurs, mais la plupart d'entre eux ont été construits dans les années 1950. Les progrès de la recherche en même temps que celui de la technique ont permis quelques améliorations, mais le monde a changé beaucoup plus vite que ces indicateurs. De nouvelles préoccupations des populations et des gouvernements ont vu le jour, notamment en ce qui concerne l'environnement et l'état des inégalités. Ce que nous proposons, c'est de revoir l'ensemble du système en tenant compte des changements structurels du monde et de ces nouvelles préoccupations.
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Jaif : Un haut taux de croissance est-il une garantie de progrès social, comme ce fut le cas en Europe pendant les Trente Glorieuses après 1945 ?
Jean-Paul Fitoussi : Non, car ce qui importe, c'est la répartition des fruits de la croissance. On peut avoir des taux de croissance très élevés en même temps qu'une détérioration importante de la situation de la part la plus pauvre de la population. Et quand je dis cela, je parle de 60 % de la population. Par exemple : de 2000 à 2008, le PIB américain par tête a augmenté en moyenne de 9 %. Or une enquête dont les résultats ont été livrés la semaine dernière aux Etats-Unis a montré que pendant la même période, 50 % de la population a vu son revenu baisser de 4 %. C'est typiquement une croissance qui s'accompagne d'une régression sociale.
Maxou : Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots les apports du rapport Stiglitz ?
Jean-Paul Fitoussi : Il s'est dit tant de choses autour de ce rapport que cette question me permet d'en clarifier le contenu. Notre travail suit trois lignes directrices. La première est d'essayer d'améliorer nos systèmes de comptes nationaux pour qu'ils prennent mieux en compte les évolutions du monde. Dans tous les pays, on a vu monter en puissance la part des dépenses publiques. Cela pose un problème : comment mesurer la production publique ? Comment mesurer, par exemple, la production de santé en France ? Faute de mieux, on fait aujourd'hui la somme des dépenses. Mais évidemment, cela ne nous dit rien sur la qualité du système de santé. C'est ainsi qu'on peut avoir des résultats très différents alors que les dépenses sont similaires.
Aux Etats-Unis, les dépenses de santé représentent 15 % du PIB, et en France, 11 %. Cela signifie que, faisant l'hypothèse que les Etats-Unis et la France aient le même revenu, la mesure du PIB nous dira que l'Américain moyen est plus riche que le Français moyen. Pourtant, on sait très bien que les résultats du système de santé aux Etats-Unis sont beaucoup moins bons que ceux du système de santé en France. Et il existe des indicateurs nombreux et variés que l'on peut utiliser pour mesurer ces résultats. Le plus évident d'entre eux est par exemple l'espérance de vie, mais il en est d'autres, comme la proportion de personnes d'obèses ou les taux de morbidité.
Max25 : Comment expliquez-vous que les statistiques existantes reflètent si mal l'état économique et social des pays ?
S'il existe un hiatus à peu près universel entre la mesure des phénomènes économiques et sociaux et leur perception par les populations, c'est en raison de la croissance des inégalités. Quand vous dites aux Français ou aux Américains : le taux de croissance a été de 3 %, sous-entendu votre revenu a augmenté de 3 %, ce sous-entendu est faux. Comme on l'a vu, on peut très bien avoir un taux de croissance élevé mais qui ne bénéficie qu'à une très faible fraction de la population. Donc la population va se dire : on nous ment, puisque moi, je vois que mon revenu a baissé, alors qu'on me dit que le revenu global a augmenté.
Nous proposons d'ajouter aux mesures habituelles de la croissance des mesures qui permettent de rendre compte de l'état des inégalités, et notamment le revenu médian. C'est ce qui sépare en deux parties égales la population : celle qui gagne moins que ce revenu, et celle qui gagne plus que ce revenu. Et l'arithmétique nous dit que les inégalités augmentent quand le revenu moyen augmente davantage que le revenu médian, et plus généralement, lorsqu'il y a une divergence dans les évolutions du revenu moyen et du revenu médian. Si 10 % de la population voient leurs revenus doubler, cela fait augmenter la moyenne, mais cela ne fait pas augmenter la médiane des revenus.
ImadQuebec : Est-ce que les nouveaux critères que vous proposez pour mesurer le progrès et le bien-être sont appliquables de manière universelle ? Le bien-être d'un Japonais serait-il par exemple semblable à celui d'une Marocaine ? Peut-on le mesurer de la même manière, alors que l'état d'avancement économique, les codes et conventions sont très différents dans les deux pays ?
Jean-Paul Fitoussi : C'est la deuxième direction du rapport : mesurer ce qui importe le plus pour la vie des gens, la qualité de leur vie. Il ne s'agit pas du bonheur, comme j'ai pu le lire ça et là. La qualité de vie a des déterminants objectifs et mesurables : les revenus, la richesse, le niveau d'éducation, le niveau de santé ou encore le degré de confiance qu'ont les habitants dans leur système judiciaire. Ce dernier point est intéressant, car il permet de montrer comment on pourrait avoir une augmentation du PIB en même temps qu'une détérioration de la qualité de la vie. La conséquence d'une défiance généralisée dans la population, c'est évidemment la multiplication du nombre de procès, de recours aux tribunaux. Ce seul fait va accroître le PIB, car il va y avoir davantage d'avocats, de juges, etc. Mais cette augmentation de la défiance signale une réduction du bien-être. Si les gens se méfient les uns des autres et se font des procès à tout bout de champ, c'est un signe de la dégradation du bien-être.
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En ce qui concerne les déterminants subjectifs, toutes les enquêtes réalisées auprès des chômeurs, dans tous les pays du monde, ont montré que le coût du chômage était beaucoup plus élevé que la perte pécuniaire que subissaient les chômeurs. Le coût ressenti par les individus au chômage, leur perte d'identité, leur sentiment d'inutilité, la multiplication des maladies psychosomatiques et psychiques dans la population des chômeurs. Donc il apparaît évident que le chômage est au-delà du problème de la rémunération qu'aurait la personne si elle était employée, constitue une détérioration de la qualité de la vie considérable.
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Rachid : L'indice de développement humain ne suffit-il pas à mesurer les progrès économiques et surtout sociaux ?
Jean-Paul Fitoussi : L'indice de développement humain, élaboré par Amartya Sen, est beaucoup mieux adapté à la situation des pays en développement. Le problème, c'est que cet indice est très fortement corrélé avec le PIB. Cette corrélation est normale, puisque le PIB est un déterminant essentiel de l'indicateur lui-même. Par ailleurs, cet indicateur n'est pas du tout adapté aux pays industrialisés, où les niveaux d'éducation et de santé sont relativement homogènes. Il faut aller au-delà.
Eric V : Comment intégrez-vous les préocuppations liées au développement durable dans vos recommandations ?
Jean-Paul Fitoussi : C'est la troisième direction du rapport : la mesure de la soutenabilité, ce que nous léguons aux générations futures. C'est un problème essentiel aujourd'hui, puisqu'il englobe à la fois le capital physique, le capital humain, mais surtout l'environnement et le capital naturel. Et si nous n'avons pas d'indicateur de soutenabilité, nous pouvons être exposés à des catastrophes que nous ne voyons pas venir. La crise aujourd'hui est la conséquence de l'insoutenabilité de la croissance qui l'avait précédée. On ne l'a pas vue venir parce qu'on n'avait pas d'indicateur, ou plutôt parce que les indicateurs dont on disposait étaient défaillants, puisqu'on avait confié aux marchés financiers le soin de mesurer notre richesse. On sait ce qu'il en est advenu.
Loulou_le_Loup : Quelles chances ont les préconisations du rapport d'être véritablement mises en œuvre? Ne faudra-t-il pas un consensus au G20? Faudra-t-il que le FMI, l'OMC, la Banque des règlement internationaux et les banques centrales s'emparent de la question ?
Je dois dire que les résultats de ce rapport ont dépassé mes espérances. Le président Sarkozy a simplement demandé à l'Insee de l'appliquer.
Tous les membres de la commission en ont été abasourdis, dans la mesure où le risque politique de publier de façon régulière et systématique les indicateurs d'inégalités est très grand. Autre événement extraordinaire : le secrétaire général de l'OCDE a abondé dans le sens de la France. Quand on sait le rôle majeur que l'organisation joue en matière de production statistique et d'harmonisation des systèmes de comptabilité nationale, on ne peut qu'en être profondément réjoui. Le président de la République a dit qu'il porterait le dossier au G20, qu'il le défendrait, et le secrétaire général de l'OCDE a dit qu'il se porterait candidat devant le G20 pour l'appliquer. Mais évidemment, il ne faut pas rêver, cela prendra du temps. Cela coûte cher de produire de bonnes statistiques.
oursbrun : Justement, cela ne risque-t-il pas de coûter très cher aux citoyens ?
La question philosophique que tout cela pose est de savoir si un tel investissement est rentable socialement. Ma réponse est qu'à l'évidence, oui, car les désordres créés par une société qui ne se reconnaît pas dans l'image que les statistiques lui renvoient sont beaucoup plus périlleux. Ils peuvent générer une défiance envers la démocratie, une césure entre la population et ses élites, l'impression d'être manipulé. Et c'est un résultat d'enquête stupéfiant celui qui dit que seuls 30 % des Français, et 30 % des Anglais, croient dans les statistiques officielles. L'enjeu est donc énorme.
Elise Barthet
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